1 – Les enjeux juridiques
En ce qui concerne la participation des enfants et des jeunes, elle est régie et définie en termes de droit par l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui oblige les Etats parties de garantir le droit à l’enfant d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant. Les opinions de l’enfant devront être dûment prises en considération à l’égard de son âge et à son degré de maturité. L’enfant devrait avoir la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation appropriée, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. En outre, l’article 9 de la Convention déclare que toutes parties concernées doivent avoir la possibilité de participer aux délibérations liées à la décision sur le placement de l’enfant (respect du principe du contradictoire). Les Lignes directrices des Nations Unies relatives à la protection de remplacement pour les enfants1 précisent davantage les droits des enfants dans ces circonstances.
Tous les instruments juridiques internationaux situent la séparation de l’enfant de leurs parents comme une solution du dernier recours. En France, la Commission Nationale des Droits de l’Homme CNCDH (2013) remarque un manque de critères d’évaluation et d’indicateurs de séparation de l’enfant de sa famille ce qui « place les travailleurs sociaux et les acteurs de la protection de l’enfance dans des situations très complexes.…Le recours au placement, hors de la cellule familiale, va être décidé sans que soient recherchées d’autres solutions sur le long terme ».
L’intérêt de l’enfant se trouve au centre de l’autorité parentale, définie par l’article 371-1 du Code civil comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ».
Lorsque les enfants sont retirés du milieu familial sans accord des parents et que ces derniers considèrent cela comme un abus de pouvoir des autorités publiques ou lorsqu’ils voient des manquements sérieux à la procédure, ils peuvent utiliser leur droit de recours au niveau national et lorsque ce dernier est épuisé, saisir la Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’article 8 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
L’article 8 protège le droit de l’enfant à la vie familiale, c’est-à-dire le droit d’être élevé par ses parents, son droit d’entretenir les contacts avec eux, ainsi que le droit à la réunification familiale. Tout cela est bien évidemment subordonné au respect de l’intérêt de l’enfant sur lequel la justice a la capacité de statuer. Les Etats parties de la Convention bénéficient d’une large marge d’appréciation quant à la décision initiale de séparer les enfants de leurs parents, même si cette mesure doit rester exceptionnelle. Cette marge d’appréciation diminue en fonction de la durée de séparation des enfants de leurs parents et les autorités publiques doivent avancer de fortes raisons pour défendre leur décision de maintenir la séparation. Le droit international met l’accent sur l’obligation de réviser la décision de placement régulièrement et sur le processus de prise de décision équitable où toutes les parties concernées ont la possibilité de plaider leur cause (Agence des droits fondamentaux, Conseil de l’Europe, 2015).
La CNCDH a rappelé en 2013 que l’aide sociale à l’enfance « se doit de concilier le droit de l’enfant au respect de sa vie privée et familiale (articles 7 et 9 de la CIDE, article 8 de la CEDH), et le droit à être protégé quand il est en danger, négligé ou victime de maltraitance, de violences sexuelles, ou confronté à des difficultés liées à des problèmes des parents (handicap, problèmes de santé ou psychiatriques) (article 19 de la CIDE) ».
Au titre de l’article 8, la Cour exige des garanties procédurales qui protègent les droits des parents. Elle affirme que le processus décisionnel (procédures administratives et judiciaires) conduisant à des mesures d’ingérence dans la vie familiale doit être équitable. « « Les parents doivent ont été impliqués dans le processus décisionnel […] à un degré protégeant suffisamment leurs intérêts ». Cela inclut notamment de les tenir informés des développements de façon à s’assurer qu’ils peuvent participer aux décisions les concernant et, dans certaines circonstances, d’écouter les enfants concernés » (Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et Conseil de l’Europe, 2015).
En France, l’article 311 du Code de l’action sociale et des familles souligne que “l’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés :
1° Le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ;
2° sous réserve des pouvoirs reconnus à l’autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des mineurs en danger, le libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d’un service à son domicile, soit dans le cadre d’une admission au sein d’un établissement spécialisé ;
3° Une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ;
4° La confidentialité des informations la concernant ;
5° L’accès à toute information ou tout document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires ;
6° Une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition ;
7° La participation directe ou avec l’aide de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui la concerne.”
La procédure administrative et judiciaire doit respecter le principe du contradictoire. L’art. 16 du Code de procédure civile souligne que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement ». La circulaire du 26 avril 2002 va plus loin en disant que « les parents doivent être en mesure de connaître les raisons pour lesquelles ils sont convoqués devant un magistrat et de préparer leur intervention et leur défense en toute connaissance de cause des éléments du dossier ». Pour cela, toutes les parties concernées devraient pouvoir disposer des mêmes informations (avoir les copies des pièces qui composent le dossier) et avoir le temps pour les comprendre. Ce droit relève de l’article 6 de la CEDH qui garantit l’accès à un procès et à une procédure équitables.
Dans le principe du contradictoire, la Cour européenne des droits de l’homme voit un aspect fondamental du droit au procès équitable au sens de l’article 6 §1 de la Convention. Selon Verdier et Dourgnon (2009), il arrive que l’administration refuse de communiquer les dossiers lorsque l’aide éducative à domicile se transforme en mesure judiciaire (d’assistance éducative ou de placement), en s’appuyant sur l’article 6, I de la loi du 17 juillet 1978. Cet article stipule que « ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ». Dans le passé, la France avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme, parce qu’elle refusait les communications de dossiers en protection de l’enfance. Selon les auteurs, la communication doit être le principe et la non-communication l’exception.
1 Lignes directrices des Nations Unies relatives à la protection de remplacement pour les enfants – SOS Villages d’Enfants (sosve.org)