2 – Les propositions d’amélioration

Les propositions faites à l’issue de cette recherche sont présentées dans la partie II, à la fin de chaque chapitre. Elles concernent la meilleure prise en compte des situations des parents (chapitre 1) ; la meilleure communication avec les parents et autour de la situation de leur enfant (chapitre 2) ; une meilleure mise en application des dispositions légales et règlementaires concernant les parents et une plus grande transparence à leur égard (chapitre 3); et une meilleure connaissance par tous les acteurs des droits de l’enfant et une meilleure prise en compte des besoins individuels, notamment autour de la construction identitaire (chapitre 4).

En conclusion de ce rapport, nous formulons des propositions concrètes pour une évolution des organisations, des fonctionnements et des pratiques en protection de l’enfance, qui n’iraient à l’encontre des droits et des intérêts ni des uns, ni des autres. Elles s’appuient sur trois nécessités apparues comme centrales au cours de cette recherche : la communication, la co-construction et la pair-aidance.

2-1 La communication

Les difficultés exprimées par les parents dues à la communication avec les professionnel.le.s, montrent qu’une réflexion doit avoir lieu à ce sujet afin de trouver des outils et des pratiques de communication favorisant le dialogue et la confiance réciproque.

On peut s’inspirer d’une pratique créée en 1998 en Belgique, au sein de la Direction générale de l’Aide à la jeunesse. Agora est une démarche de concertation, fondée sur l’effectivité des droits, qui a introduit des changements importants dans des pratiques professionnelles et dans la loi et les régulations en protection de la jeunesse. Un groupe de concertation et de dialogue y réunit les professionnels de l’Aide à la jeunesse, des associations représentant des personnes usagères et du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale. Le dernier travail du groupe est parti du constat que les familles en Belgique viennent rarement consulter leurs dossiers. Les professionnels avaient pensé qu’elles n’étaient pas intéressées par les écrits. Le travail engagé par le groupe AGORA a mis en évidence l’inverse et a permis de conclure que l’idéal serait de travailler les écrits avec les familles et de les leur transmettre. C’est ainsi qu’a été initiée l’expérimentation basée sur une transmission aux parents des écrits élaborés après chaque rencontre avec les professionnels. Cette démarche a redonné confiance aux parents dans leurs interlocuteurs et a renforcé leur participation aux mesures éducatives (Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, 2021).

Cette question des traces des échanges effectués est apparue dans la présente recherche comme un point important qui pourrait améliorer et redynamiser la communication entre les professionnels et les parents, l’engagement de ces derniers dans la mesure, et la transparence des procédures (Rurka &Rousseau, 2017). La notion de « traces » est intimement liée à celle de la lisibilité, laquelle fait souvent défaut dans le champ de travail social, malgré des dispositions législatives claires 1.

Le fait de construire une narration commune par divers intervenants, sans effacer la variété des points de vue, peut contribuer à une bonne communication, mais cela ne peut résulter que d’un travail commun à long terme.

2-2 La co-construction

À plusieurs reprises lors des échanges dans le groupe de parents, le souhait de pouvoir s’asseoir autour d’une table avec des professionnel.le.s a été exprimé. Il s’agirait d’une part, de s’assurer que les résultats de ce travail, en particulier les constats et propositions retenus dans le schéma parisien de prévention et de protection de l’enfance 2021-2026, puissent être entendus. D’autre part, cela permettrait d’élaborer conjointement des outils et des guides permettant aux parents et aux professionnel.le.s de mieux communiquer et de mieux protéger ensemble les droits des enfants.

Si les lois de 2007 et de 2016 donnent des indications sur les contenus et les fonctions du Projet pour l’enfant, les aspects pratiques de son application sont laissés à la libre appréciation des conseils départementaux (DGCS, 2016 ; ONPE, 2016). La co-construction entre parents, professionnel.le.s, mais aussi, enfants et institutions parisiennes, d’une trame correspondant aux attentes de la loi, poursuivrait plusieurs objectifs. Tout d’abord, la réflexion commune sur les contenus à décliner dans un tel document tiendrait compte à la fois des exigences légales, des contraintes institutionnelles, et de l’expérience des parents et des professionnel.le.s ayant déjà été concernés par des mesures de protection de l’enfance. Il serait nécessaire également d’associer des jeunes concernés à cette démarche. Ensuite, la co-construction viserait les modalités de remplissage de ce document par les différents protagonistes : à quel moment, dans quels délais, selon quelles règles le Projet pour l’enfant peut-il être construit afin de prendre réellement sens pour les enfants, leurs parents, les professionnel.le.s, et les services ? Enfin, et surtout, une telle démarche apporterait des réponses sur les enjeux majeurs identifiés dans cette recherche : l’information et la communication. Le projet pour l’enfant devrait être réfléchi de manière à garantir la transparence du processus d’évaluation et de prise de décision, dès le début du suivi en protection de l’enfance. Une co-construction de cet outil poserait les jalons d’une plus grande confiance réciproque et d’une meilleure utilisation des ressources et compétences des familles et des institutions, au bénéfice des enfants.

D’autres outils et chartes répondant aux propositions faites dans la partie II de ce rapport, pourraient également être co-construits entre parents et professionnel.le.s. Ainsi, un guide de la bonne communication entre professionnel.le.s et parents, comprenant les modalités qui semblent souhaitables et praticables aux un.e.s et aux autres, pourrait être rédigé. Des fiches et autres supports pourraient être créés afin de permettre à tous et toutes de s’approprier ce guide.

Il serait envisageable de réfléchir aux fonctions, aux bénéfices et aux limites d’un cahier de liaison pour les enfants, les parents et les professionnel.le.s. Quelles formes pourrait-il prendre sans compromettre les missions de protection ni l’intimité de l’enfant ou des parents ? Quels types d’informations, d’images, de messages pourraient y être consignés ? Quelles seraient les possibles modalités de son remplissage, de sa circulation, de sa conservation par les enfants, parents, et professionnel.le.s ?

Si la dynamique parisienne de co-construction, initiée à l’occasion du schéma 2021-2026, peut-être élargie et consolidée comme suite de ce projet, cela ouvrira le champ de la réflexion sur les différentes propositions faites par les parents dans ce rapport, mais également sur d’autres questions, importantes aux yeux des enfants, des professionnel.le.s et des institutions.

2-3 La pair-aidance

Aussi bien par les témoignages des parents du groupe, que par les réponses au questionnaire, la recherche souligne le besoin des parents de sortir de l’isolement et de se soutenir entre eux, en particulier lorsque leur enfant est placé. L’expérience décrite par les parents du groupe nous conduit à une prise de conscience du potentiel de la pair-aidance entre parents concernés par la protection de l’enfance. Le rapport du Haut Conseil du Travail Social souligne que la « pair-aidance est une ressource, une manière d’être en relation fondée sur l’entraide, le soutien entre des personnes qui se reconnaissent en tant que pairs, c’est-à-dire comme des individus qui partagent une même expérience. Cette reconnaissance est essentielle et fonde la spécificité des accompagnants pairs » (HCTS, 2021, 14). Dans le cadre de la présente recherche, la proximité expérientielle a donné une cohésion au groupe des parents et les effets des liens construits leur ont donné l’envie de poursuivre leur engagement en vue d’améliorer le fonctionnement du dispositif de protection de l’enfance. Même si, en France, la pair-aidance est encore une pratique émergeante qui a besoin d’être davantage stabilisée2, les propositions incluses dans ce rapport invitent les acteurs de la Ville de Paris à soutenir la pair-aidance et à explorer les pistes pour son développement. Bien évidemment cela demande un temps d’expérimentation collective et les changements éventuels à tous les niveaux de l’organisation. D’ores et déjà, il semblerait possible de proposer des espaces où les parents pourraient se rencontrer sans professionnels de la protection de l’enfance. On peut imaginer différentes configurations : personnes-ressources, système de tutorat, groupe animé par une personne extérieure, café des parents…

L’enjeu serait non d’encourager des postures d’opposition ou de conflit avec l’institution, mais, comme l’ont indiqué les parents, de permettre un partage d’expérience et de ressources. Cela leur permet de se sentir moins seuls, moins honteux dans cette période de séparation avec l’enfant, de comprendre comment exercer leurs droits et devoirs de parent, de trouver les moyens de maintenir leur rôle éducatif au mieux dans cette situation.


1 La loi 2002-2 concerne de manière globale l’ensemble du secteur social et médico-social et une disposition spécifique à l’assistance éducative dans le Décret n° 2002-361 du 15 mars 2002 qui mentionne, dans son article 1187 que « Le dossier peut également être consulté, sur leur demande et aux jours et heures fixés par le juge, par le père, la mère, le tuteur, la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié et par le mineur capable de discernement, jusqu’à la veille de l’audition ou de l’audience ».

2 Cela se voit par la diversité des dénominations proposées : travailleur pair, conseiller pairs, pair émulateur, patient ressource…