Introduction

Ce rapport est le fruit d’un travail commun, réalisé entre janvier 2021 et juin 2022, par quatre chercheur.e.s1 du Centre de Recherches en Education et Formation de l’Université Paris Nanterre et une dizaine de parents dont les enfants sont suivis par l’Aide sociale à l’enfance de Paris. Il rend compte d’un processus de recherche et de participation mis en place à la demande et avec la collaboration active de l’Observatoire parisien de protection de l’enfance (OPPE), dans le cadre de la préparation du schéma parisien de la protection de l’enfance 2021-2026. Un groupe de professionnel.le.s a également accepté de se mobiliser tout au long de ce travail, afin de soutenir cette participation des parents.

Le principe de la co-construction a guidé tout le projet, la mission de notre groupe étant de permettre aux parents de contribuer à l’écriture du schéma. Le présent document reflète donc à la fois le processus par lequel ont été élaborés la contribution des parents, et son contenu. La démarche de recherche s’inscrit dans une dynamique participative avec les parents et les professionnel.le.s, et dans une dynamique partenariale avec la Ville de Paris. Les recherches participatives, comme celle-ci, conduisent au changement des paradigmes au sein des institutions. Comme le souligne Maïté Juan (2021), les recherches participatives avec des personnes concernées ou opprimées peuvent avoir des finalités visant à renforcer leur pouvoir d’agir, à réduire des inégalités épistémiques ou encore à faire émerger des innovations dans des politiques publiques.

Lorsque le projet COPA 75 a été conçu en 2020, conjointement entre l’OPPE et le CREF, la première proposition était d’inclure dans ce même processus de recherche participative, un groupe d’enfants ou jeunes suivis, et un groupe de professionnel.le.s intervenant au quotidien auprès des enfants et des parents. Cependant, cette architecture n’a pas été retenue, pour des raisons indépendantes des auteur.e.s de ce rapport. Des jeunes et des professionnel.le.s ont été intégrés à d’autres groupes de travail, organisés par l’OPPE et la Ville de Paris, pour la préparation du schéma.

Cela signifie que le présent rapport ne reflète que le point de vue exprimé par des parents. Aucun jugement ne peut être porté, à partir de ce point de vue unique, sur les actions menées par les professionnel.le.s, ni sur le fonctionnement de l’institution. Pour cela, il serait nécessaire de disposer du point de vue de l’ensemble des acteurs, ce qui n’est pas le cas. De même, il n’est pas possible d’évaluer les situations individuelles dont les parents ont fait le récit, souvent douloureux. Ce n’est pas le propos de ce travail.

L’élan des recherches participatives se trouve en lien avec la crise de la démocratie représentative. Cette crise démocratique et le manque de confiance de la population envers les institutions publiques incitent également les décideurs politiques à ne pas se limiter à des dialogues avec des corps intermédiaires ou des représentants de certaines catégories d’acteurs. Dans le contexte actuel, la démocratie représentative doit être complétée par la démocratie participative permettant à des personnes qui n’ont pas le mandat de représentation de participer aux affaires les concernant.

Dans ce sens, nous, chercheuses et parents, auteur.e.s de ce rapport, émettons le souhait que lors du prochain Schéma parisien de protection de l’enfance, un travail collectif puisse être engagé, réunissant autour d’une même table, parents, jeunes, professionnel.le.s et représentant.e.s de l’institution. Nous considérons que le processus engagé en 2021 est un premier pas dans cette direction. Il permet d’ores et déjà de comprendre et transmettre la perspective des parents : ce qu’ils vivent et ressentent, ce qu’ils observent et ce qu’ils comprennent à partir de leur expérience avec les services de l’aide sociale à l’enfance de Paris, mais aussi ce qu’ils peuvent proposer à partir de leur expertise.

Ce rapport est composé de trois parties. Premièrement, les enjeux des démarches de démocratie participative dans le champ de l’action sociale seront développés afin de contextualiser ce projet de recherche : Co-construire la politique parisienne de protection de l’enfance – COPA75, sa méthodologie et les freins identifiés pour la participation. La deuxième partie présentera ce que les parents ont dit au sujet du système de protection de l’enfance, au cours des groupes de travail et par le biais du questionnaire. Après une présentation de l’échantillon qui a répondu au questionnaire, ces résultats seront structurés autour de l’entrée dans le système, du rapport à la mesure, de la place des parents dans le dispositif, des enjeux de l’information et de la communication et des droits des enfants. Une synthèse et des recommandations formulées par les parents sont proposées pour chacune de ces thématiques. Dans la troisième partie, nous proposons une analyse du processus participatif lui-même, en tenant compte des perspectives des différents acteurs engagés : parents, chercheurs, mais aussi étudiantes, professionnel.le.s et représentant.e.s de la Ville de Paris. En conclusion, nous revenons sur les principaux apports de ce travail collectif, en proposant quelques pistes pour des démarches participatives à venir.

Comme toute recherche participative, celle-ci constitue une expérience unique en son genre. Du fait de la spécificité du partenariat et du contexte dans lequel cette recherche se déroule, il est important de dire que les résultats obtenus ne peuvent pas être transposables à d’autres contextes. Les activités menées par les chercheurs pour rendre effective la participation des parents à la recherche et à l’élaboration du Schéma ne peuvent pas être transposées telles quelles aux champs des pratiques professionnelles et des services sociaux et médico-sociaux. Pourtant, certaines leçons tirées de cette recherche peuvent être utiles au-delà du champ de la recherche. COPA75 rappelle que la co-construction de la recherche et des politiques publiques est basée sur l’apprentissage mutuel et génère des connaissances sur les processus, sur les acteurs, leurs organisations et les effets produits.


1 Hélène Join-Lambert, Séverine Euillet, Anna Rurka et Fabien Deshayes (jusqu’en juin 2021), en tant que maitres.ses de conférences en Sciences de l’éducation et de la formation au CREF à l’Université Paris Nanterre.