Une méthode qui évolue
La méthode initiale
Dans le cadre de cette recherche spécifique, lors de la première rencontre avec les agents de l’Ase en mars 2022, une méthode initiale est rapidement élaborée.
En ce qui concerne la population, il est initialement décidé que le questionnaire porterait sur l’ensemble des enfants nés entre 1995 et 2002 et qui sont devenus majeurs entre 2013 et 2020 tout en étant accompagnés par une mesure ou une prestation de protection de l’enfance, quel qu’en soit la nature (AEMO, AED, placement en famille d’accueil ou en établissement en Guadeloupe, confié à un tiers judiciaire ou administratif…). Sur la base d’un listing reconstruit à partir des archives. A l’origine, l’entretien devant être proposé à quelques 70 jeunes : les agents de l’Ase, qui ont pour la plupart la particularité d’être en poste depuis de nombreuses années, connaissent la population et maintiennent des contacts, même indirects, avec les jeunes concernés ; ils devaient ainsi pouvoir renseigner de manière quasi exhaustive le listing de contacts, pour que les enquêtrices puissent prendre contact avec les jeunes concernés.
Les personnes qui mènent les entretiens en face à face doivent maîtriser les langues parlées sur l’île et la géographie pour retrouver les domiciles, dans un contexte où l’adressage est très aléatoire, voire « poétique ».
Puisque tout le monde se connaît sur l’île, ou au moins connaît un membre de la famille, l’anonymat de la personne qui effectue les entretiens d’enquête n’a pas de sens, voire susciterait la suspicion. C’est pourquoi il a été décidé la nommer les enquêtrices dès la note d’information et de préciser également que l’une d’elles est agent de la collectivité. Les deux sont bien évidemment soumises au secret professionnel de toute personne qui participe à un travail de recherche, conformément aux préconisations éthiques.
Le questionnaire s’est construit lors de plusieurs réunions à Marigot, chef -lieu de la collectivité, en mars 2022. Dans le projet initial, pour établir des bases de comparaisons avec l’ensemble de la France, et sur la base d’échanges avec la responsable de l’enquête Elap, Madame Isabelle Frechon, il est décidé de reprendre un grand nombre de variables des deux phases de l’enquête Elap. Certes, les deux populations ne sont pas totalement identiques en termes d’âge et des types de mesures ou prestations dont les personnes ont bénéficié mais nous avions prévu de tenir compte de cette différence dans l’analyse.
Ces variables Elap sont reprises dans leur intégralité, en ne modifiant qu’un paramètre : au vouvoiement de rigueur en métropole (même si après l’enquêteur pouvait utiliser le tutoiement si le jeune était d’accord), nous décidons d’utiliser dans la version écrite le tutoiement plutôt d’usage à Saint-Martin. Nous pensions que le vouvoiement, langue de l’administration, aurait paru étrange et aurait suscité de la surprise voire de la méfiance. Toutefois, nous décidons de conserver le vouvoiement dans la note d’information et dans le formulaire de consentement, pour souligner les caractères juridiques et officiels de ces documents. Cependant, dans la pratique, les situations se sont avérées plus complexes. Dans les entretiens en visio, les enquêtrices ont utilisé le vouvoiement, et dans les entretiens en face-à-face, elles ont alterné vouvoiement et tutoiement.
Le processus est le suivant :
- Enquête en face à face avec document papier durant les mois de juin 2022 (dès avis favorable RGPD et comité d’éthique) à novembre 2022. En ce qui concerne l’identité de l’enquêté, seuls le prénom, le sexe et l’année de naissance apparaît sur le formulaire « papier ».
- Saisie en ligne des questionnaires, sans le prénom, en octobre et novembre 2022, sur un serveur UPN via le logiciel Line Survey.
- Analyse des données en travail collaboratif durant l’automne 2022.
- Présentation des résultats à la fin de l’année 2022 (remise de rapport).
- La base de données sera conservée sur un poste informatique du chercheur ainsi que sur un support de sauvegarde crypté pendant une période de 5 années.
Un contexte et des évolutions
Toutefois, vu principalement les difficultés de recrutement, cette méthode subit quelques modifications.
En effet, comme les archives de la collectivité ne sont pas informatisées, il est difficile d’établir un listing exhaustif des jeunes potentiellement concernés. Le travail de mémoire des agents de la collectivité n’est pas suffisant. Aussi, ce petit effectif conduit à élargir les critères d’âge dans le recrutement. Sont finalement concernés l’ensemble des jeunes nés entre 1992 et 2004. Ensuite, il est difficile de retrouver des coordonnées. Alors, seuls les noms accompagnés de coordonnées sont finalement retenus.
Une première liste de 25 noms est établie. Très vite, dès les premiers entretiens, elle est complétée par des jeunes proposés par la présidente de l’association des anciens enfants placés, Madame Jositania Rijo, et par des jeunes qui, lors d’échanges pour prendre rdv, indiquent le nom de frères et sœurs, de famille d’origine ou placés dans la même famille d’accueil.
Puis, sur une liste d’une trentaine noms, les enquêtrices ont beaucoup de mal à établir le contact : des numéros ne sont plus attribués, les personnes ne rappellent pas ; d’autres personnes promettent de rappeler pour un rdv mais ne le font finalement pas. En outre, deux personnes qui ont mené l’entretien finalement se rétractent et demandent le retrait du questionnaire de la base (en fait il n’a pas été saisi).
L’ensemble de ces contraintes conduit à mener 9 entretiens complets, dont 6 en visio.
Le nombre est insuffisant pour une exploitation statistique. En outre, nous constatons un processus de sélection sociale parmi les répondant.e.s. Il a ainsi été choisi d’analyser ce corpus de façon qualitative.
Démarche éthique
L’ensemble de cette recherche a reçu un avis favorable du comité d’éthique et de recherche de l’Université Paris Nanterre (avis n° 2022-06-01) ainsi que du DPO quant à la démarche RGPD.