3 – La perception de la place des parents dans le dispositif

Cette dimension concerne la façon dont les parents se perçoivent au sein du dispositif de la protection de l’enfance, et plus particulièrement dans le cadre de la mesure de protection. Au regard des éléments de la littérature, la question de la participation des parents se traduit au moins à deux niveaux : celui du quotidien de l’enfant en termes éducatifs (Join-Lambert et al., 2014 ; Stettinger, 2019) et celui du processus de décision lié au déroulé et au contenu de la mesure de protection (Touahria-Gaillard, 2011 ; Renoux, 2019). Aussi, dans le questionnaire, ces deux niveaux ont été explorés à travers plusieurs questions.

3-1 Le niveau d’information perçu

D’après les échelles de la participation citoyenne (Arnstein, 1969, Hart, 1992), l’information est le premier échelon à gravir pour mettre en place un processus de participation. Sans information, en effet, les citoyen.ne.s ne peuvent pas se faire une opinion sur la situation, ni entrer dans un processus décisionnel permettant de négocier, de défendre leurs intérêts ou l’intérêt général.

Dans le questionnaire plusieurs questions investiguent le niveau d’informations perçu par les parents.

3-1-1 La connaissance du rôle de chaque professionnel.le


Tout à fait d’accordA peu près d’accordPas vraiment d’accordPas d’accord du toutNe se prononce pas
Je connais le rôle de chaque professionnel investi dans la mesure de protection de l’enfance57
51.8%
17
15.5%
15
13.6%
17
15.5%
4
3.6%
Tableau 4: Réponses au sujet de la connaissance du rôle de chaque professionnel.le

D’un point de vue descriptif, comme le montre le tableau ci-dessus, 67.3% (N=74) des répondants indiquent connaître (ou à peu près) le rôle de chaque professionnel.le investi.e dans la mesure de protection de l’enfance. C’est l’une des rares affirmations qui n’est significativement liée à aucune variable contextuelle testée (type de mesure, si l’enfant est accueilli en dehors du domicile ou pas, …).

3-1-2 La connaissance du contenu des rapports rédigés par les professionnel.le.s


Tout à fait d’accordA peu près d’accordPas vraiment d’accordPas d’accord du toutNe se prononce pas
Je connais le contenu des rapports rédigés par les professionnel.le.s35
32.1%
14
12.8%
15
13.8%
35
32.1%
10
9.2%
Tableau 5: Réponses au sujet de la connaissance du contenu des rapports

Si le groupe de répondants est réparti de façon quasiment équilibrée entre les 2 extrêmes (32.1% ne connaissent pas du tout le contenu des rapports et 32.1% connaissent le contenu des rapports), cette ventilation fluctue de façon significative selon :

  • Si l’enfant est placé ou non (p=0.006 ; Khi2=14.44 ; ddl=4)
    Les parents dont au moins un enfant est accueilli en dehors du domicile connaissent moins le contenu des rapports rédigés par les professionnel.le.s (54.5%, N=24) que les parents dont l’enfant est suivi à leur domicile (40%, N=26).
  • Si la mesure est judiciaire ou non (p=0.01 ; Khi2=12.52 ; ddl=4)
    Les parents concernés par une mesure judiciaire sont majoritaires à ne pas connaître le contenu des écrits professionnels (51.3%, N=38) contre 35.10% (N=13) des parents concernés par une mesure administrative qui ne connaissent pas le contenu des écrits.

Les échanges au sein du groupe de travail de parents ont régulièrement abordé la question de l’accès aux écrits, aux rapports, mais aussi leurs circulations entre les acteurs. Concrètement, qu’est-ce qui est transmis au juge ? Quand et de quelle manière ?

3-1-3 La connaissance du lieu de vie de leur enfant quand il est accueilli en dehors du domicile

Connaissez-vous :Oui, j’ai vu sa chambreOui, j’y suis déjà alléOui, mais je n’y suis jamais alléNon
L’adresse de la famille d’accueil1
4.2%
6
25%
5
20.8%
12
50%
L’adresse du foyer/MECS/lieu collectif6
30%
9
45%
1
5%
4
20%
Tableau 6: Résultats au sujet de la connaissance du lieu de vie de l’enfant

Lorsque l’enfant vit en famille d’accueil, 50% des 24 parents concernés et ayant répondu ne connaissent pas l’adresse et 20.8% (N=5) connaissent l’adresse, mais n’y sont jamais allés.

Lorsque l’enfant est accueilli en lieu collectif, 20 % des 20 parents concernés ayant répondu ne connaissent pas l’adresse et 1 parent n’y est jamais allé.

Ces chiffres indiquent que 30% des parents dont l’enfant est en famille d’accueil peuvent se représenter le lieu de vie de leur enfant, contre 75% des parents dont l’enfant vit en lieu collectif.

3-1-4 Les informations sur le quotidien de leur enfant

Lorsque l’enfant est accueilli en dehors du domicile, la proportion de parents qui ne se sentent pas suffisamment informés est importante : 61% (N=25).

admin | Copa75 Tableau 7: Résultats sur le sentiment d’informations au sujet du quotidien de l’enfant

Ce sentiment est davantage présent lorsqu’il s’agit d’une mesure judiciaire. En effet, parmi ceux ne se sentant pas suffisamment informés, ils sont 65.7% (N=23) à être concernés par une mesure judiciaire et 28.6% (N=2) par une mesure administrative.

Ce manque d’informations au sujet du quotidien de l’enfant a été évoqué à plusieurs reprises au sein du groupe de travail réunissant les parents. Ces derniers ont évoqué le fait de ne pas savoir quels sports leurs enfants pratiquaient ni quelles activités ils pouvaient réaliser sur leur lieu d’accueil.

À la question ouverte « à quel sujet, par exemple, vous ne vous sentez pas assez informés ? », les parents évoquent le manque de communication qui freinerait l’information des parents. Voici des exemples extraits des questionnaires :

« L’ASE ne répond jamais au téléphone, courriers, courriel. Aucun rapport éducatif ne nous a été communiqué », « Je ne les vois pas assez souvent, et on me donne des rendez-vous au moment où je travaille », « l’absence de contacts avec la famille d’accueil pour parler du quotidien », « mon fils a été plusieurs fois dans des lieux qui n’acceptaient pas d’avoir la moindre relation avec moi.»

Le lien est aussi fait avec le processus de décision : « L’ASE prend ses décisions sans que le parent ne participe à la réflexion. Les décisions sont assénées sans qu’on puisse avoir voix au chapitre », mais aussi avec la logique globale de la prise en charge en évoquant l’absence de PPE : « pas de Projet pour l’enfant, aucun plan d’action, aucune feuille de route ».

De façon concrète, le manque d’informations concerne le quotidien de l’enfant : « je ne sais pas s’ils font de la musique comme demandé, s’ils font du sport, s’ils mangent varié, s’ils écoutent de la musique, quelles activités, », « la vie de tous les jours », mais aussi la santé et la scolarité « il faut que je demande pour regarder le cahier de mes enfants, je ne sais même pas où est l’école, je ne connais pas la maitresse ».

3-2 Et la considération de leur rôle et de leur droit dans tout cela ?

Comment les parents considèrent-ils leur place dans le système de protection de l’enfance ? Savent-ils ce qui est attendu d’eux ? Se sentent-ils respectés, dans leur parole et dans leurs droits ? Ces vastes questions sont au cœur des préoccupations lorsque la démarche vise à comprendre la perspective des personnes concernées.


Tout à fait d’accordA peu près d’accordPas vraiment d’accordPas d’accord du toutNe se prononce pas
Je sais ce qui est attendu de moi en tant que parent par les professionnels de la protection de l’enfance48
43.2%
16
14.4%
18
16.2%
22
19.8%
7
6.3%
Ma parole est prise en compte53
47.7%
9
8.1%
14
12.6%
32
28.8%
3
2.7%
Mes droits de parents sont respectés57
51.4%
10
9.0%
11
9.9%
30
27.0%
3
2.7%
Tableau 8: Résultats sur la considération du rôle de parents

Parmi les répondants au questionnaire, si majoritairement les parents s’étant exprimés évoquent un respect de leurs droits et une prise en compte de leur parole, ils sont tout de même 27% à considérer que leurs droits ne sont pas du tout respectés.

Au sein du groupe de travail, certains parents ont pu évoquer : « Quand l’enfant est placé : les parents n’ont plus de droit et doivent se battre. Les avis des professionnel.le.s ont plus d’incidence que ceux des parents ». « Il y a une opacité du système de protection de l’enfance, les parents sont exclus. ».

En effet, les parents font le parallèle entre le manque d’informations, l’opacité du système et la mise à mal des droits. Les parents du groupe de travail se posaient beaucoup de questions sur leurs prérogatives, sur ce qui leur incombait, et sur des points qu’ils pouvaient revendiquer. In fine, les questionnements portaient bien sur les aspects légaux et législatifs, mais aussi sur ce qui était considéré comme « normal » par les uns et les autres. Aussi, pour eux il est « important de savoir clairement quelle est la fonction de chacun et de savoir qu’est-ce qu’on le droit de faire et de ne pas faire ».

3-2-1 Ce sur quoi les parents pensent pouvoir donner leur avis

Après le niveau d’information reçu, s’exprimer et donner son avis sont des éléments fondamentaux dans le processus de participation, mais aussi dans la mise en œuvre et/ou la transparence du processus de décision sur des points particuliers ou de manière plus structurelle.

3-2-1-1 Au niveau de l’éducation de leur enfant

En tant que parent, vous pouvez donner votre avis aux professionnels sur …ouiParfoisnonNe s’applique pas
Le lieu d’accueil de votre enfant ?13
(32.5%)
4
(10%)
19
47.5%)
4
(10%)
Les relations entre vos enfants ?21
51.2%)
4
(9.8%)
8 (19.5%)8
(19.5%)
Le calendrier des droits de visite et/ou d’hébergement ?16
(39%)
5
(12.2%)
16
(39%)
4
(9.8%)
Le déroulement des visites médiatisées ?14
(35%)
3
(7.5%)
13
(32.5%)
10
(25%)
Le suivi psychologique de votre enfant ?11
(28.2%)
3
(7.7%)
19
(48.7%)
6
(15.4%)
En tant que parent, vous pouvez donner votre avis aux professionnels sur … (suite)ouiParfoisnonNe s’applique pas
Les soins de santé de votre enfant ?18
(45%)
7
(17.5%)
13
(32.5%)
2
(5%)
L’orientation scolaire de votre enfant ?15
(39.5%)
3
(7.9%)
14
(36.8%)
6
(15.8%)
Les loisirs de votre enfant ?18
(45%)
2
(5%)
15
(37.5%)
5
(12.5%)
Les dates et lieux de vacances de votre enfant ?13 (33.3%)4 (10.3%)20 (51.3%)2 (5.1%)
Les préférences alimentaires de votre enfant ?11
(30.6%)
5
(13.9%)
16
(44.4%)
4
(11.1%)
L’éducation religieuse de votre enfant ?11
(28.2%)
019
(48.7%)
9
(23.1%
L’achat d’outils numériques comme le téléphone portable ?12
(30.8%)
3
(7.7%)
12
(30.8%)
12
(30.8%)
L’usage d’internet de votre enfant ?7
(17.9%)
1
(2.6%)
18
(46.2%)
13
(33.3%)
Le bien-être de votre enfant ?19
(46.3%)
3
(7.3%)
17
(41.5%)
2
(4.9%)
Tableau 9: Résultats au sujet du sentiment de participation des parents à l’éducation de leur enfant

Les 4 aspects éducatifs sur lesquels plus de 40% des parents pensent pouvoir donner leur avis sont :

  • Les relations entre leurs enfants : 51.2% (N=21)
  • Le bien-être de leur enfant : 46.3% (N=19)
  • Les soins de santé de leur enfant : 45% (N=18)
  • Les loisirs de leur enfant : 45% (N=18)

À l’inverse, pour 7 aspects plus de 40% des parents estiment ne pas pouvoir donner leur avis :

  • Les dates et lieux de vacances de l’enfant : 51.3% (N=20)
  • Le suivi psychologique de l’enfant : 48.7% (N=19)
  • L’éducation religieuse de l’enfant : 48.7% (N=19)
  • Le lieu d’accueil de l’enfant : 47.5% (N=19)
  • L’usage d’internet par l’enfant : 46.2% (N=18)
  • Les préférences alimentaires de l’enfant : 44.4% (N=16)
  • Le bien-être de l’enfant : 41.5% (N=17)

Dans le groupe de travail, l’éducation religieuse et le respect de la culture de l’enfant ont été évoqués comme un point important pour les parents, en termes de respect du droit de l’enfant (cf. paragraphe 4.5.2 de ce rapport), mais aussi comme une dimension permettant à l’enfant de maintenir son inscription dans l’histoire familiale, de respecter son identité. Certains parents ont pu évoquer leurs questionnements vis-à-vis des confessions religieuses au sein des lieux d’accueil, qu’elles correspondent ou non à leurs croyances. Certains parents se demandent jusqu’où l’éducation dans d’autres milieux influence les choix des jeunes protégés ?

3-2-1-2 Au niveau de la décision judiciaire

Le rapport à l’autorité judiciaire était un point central évoqué dans le groupe de travail de parents, avec notamment le déroulé des audiences. Dans les échanges, les points suivants sont apparus comme majeurs :

  • L’accès aux dossiers au tribunal pour enfants est peu fluide (consultations au dernier moment, difficulté à joindre le greffe pour prendre rendez-vous) : « On ne sait pas ce qui est reproché jusqu’à l’audience ».
  • Les rapports socio-éducatifs sont découverts en audience: « Il est impossible d’arriver cérébralement dans un état correct devant le juge dans ces conditions. C’est l’inconnu pour nous, mais pas pour les services sociaux. Ce n’est pas constructif ».
  • L’audience est le seul moment de réunion avec les professionnel.le.s et l’ensemble des protagonistes : or c’est un moment solennel qui crée de l’angoisse, et où il est difficile de prendre la parole pour les parents (peur de ne pas dire ce qu’il faut) et parfois même de s’y rendre : « Les audiences au tribunal sont souvent traumatisantes alors il arrive qu’on n’y aille pas, pour se protéger, ce qui est interprété comme de l’indifférence alors que ce n’est pas ça ».

Ce vécu des audiences n’est pas sans incidence sur la perception par les parents de la prise en compte de leur point de vue dans la décision du juge des enfants. Dans les réponses au questionnaire, ils sont 50.8% (N=33, addition des réponses 3 et 4 du tableau ci-dessous) à penser que leur avis n’est pas pris en compte.

admin | Copa75 Tableau 10: Réponses sur la prise en compte de l’avis des parents par le juge des enfants

Au niveau des éléments contextuels qui pourraient moduler les réponses des parents au sujet de leur sentiment de prise en compte de leur avis dans la décision du juge, seule la catégorie socio-professionnelle du parent est corrélée (p=0.03 ; Khi2=14.00 ; ddl=6). Ce sont les parents ayant une activité en tant que cadre ou profession intellectuelle supérieure qui sont proportionnellement les plus nombreux à estimer que leur avis n’est pas pris en compte (66.7%, N=10 des parents occupant ce type d’emploi, contre 33.3%, N=9, des parents sans activité professionnelle ou 15.4%, N=2 des parents ayant une activité autre comme employé, indépendant, …).

3-3 Le rapport et la communication avec les professionnel.le.s

Comment les parents perçoivent-ils leur place dans le dispositif de protection de l’enfance ? Telle est une des questions majeures qu’investigue ce questionnaire, à travers des questions relatives à leurs ressentis vis-à-vis des relations avec les professionnel.le.s, de leur possibilité d’expression, de leur niveau de considération ….

Les enjeux relationnels avec les multiples professionnel.le.s de la protection de l’enfance ont été largement abordés par les parents du groupe de travail et cela de différentes manières, en termes d’asymétrie, de relation de pouvoir ou d’absence de confiance réciproque.

3-3-1 Le sentiment de confiance réciproque

Le sentiment de confiance a été exploré de manière réciproque, à la fois la confiance accordée par les parents aux professionnel.le.s, et la confiance perçue par les parents en provenance des professionnel.le.s.


Tout à fait d’accordA peu près d’accordPas vraiment d’accordPas d’accord du toutNe se prononce pas
Je pense que les professionnels ont confiance en moi46
41.4%
15
13.5%
14
12.6%
27
24.3%
9
8.1%
J’ai confiance dans mon référent55
50%
9
8.2%
16
14.5%
23
20.9%
7
6.4%
Tableau 11: Résultats sur la confiance réciproque entre parents et professionnel.le.s

En ce qui concerne la perception de la confiance que les professionnel.le.s accordent aux parents, si sur l’ensemble des parents, ce sentiment semble légèrement majoritaire 54.9 % (N=61), cette proportion varie considérablement selon que l’enfant est accueilli en dehors du domicile ou pas.

Le fait de penser que les professionnel.le.s ont confiance dans les parents est significativement lié avec le fait d’avoir un enfant placé ou pas (p=0.005 ; Khi2=14.83 ; ddl=4). En effet, de façon notoire, les parents dont au moins un enfant est placé pensent que les professionnel.le.s n’ont pas confiance en eux (48.9%, N=22), alors qu’ils ne sont que 35.9 % (N=24) lorsque l’enfant est protégé à domicile.

Au sujet de l’accord de la confiance des parents en les professionnel.le.s, 58.2% (N=64) des parents disent avoir confiance dans leur référent.e. Même si c’est de façon moindre, ce sentiment est également différemment présent chez les parents selon que leur enfant est concerné par une mesure de milieu ouvert (une forte relation de confiance pour 61.5% (N=40) des parents) ou par un accueil en dehors du domicile (une forte relation de confiance pour 33.3% (N=15) des parents) (p=0.06 ; Khi2=8.92 ; ddl=4).

3-3-2 Être d’accord ou pas avec les professionnel.le.s et la possibilité de l’exprimer

Parmi les parents répondants, 43.2% (N=48) indiquent être toujours ou presque toujours d’accord avec les travailleur.se.s sociaux.ales.


Tout à fait d’accordA peu près d’accordPas vraiment d’accordPas d’accord du toutNe se prononce pas
Je suis toujours d’accord avec les travailleurs sociaux25
22.5%
23
20.7%
32
28.8%
26
23.4%
5
4.5%
J’ose donner mon avis aux professionnels même s’il ne correspond pas à ce qui est attendu73
66.4%
13
11.8%
10
9.1%
11
10%
3
2.7%
Tableau 12: Résultats sur le sentiment d’accord avec les professionnel.le.s

La proportion de parents qui sont d’accord avec les travailleur.se.s sociaux.ales évolue considérablement selon plusieurs éléments (cf. tableaux de corrélation en annexe 5) :

  • Le type de mesure : administratif ou judiciaire (p=0.002 ; Khi2=17.10 ; ddl=4). 64.4% (N=49) des parents concernés par une mesure judiciaire indiquent être toujours ou presque toujours en désaccord avec les travailleur.se.s sociaux.ales, alors qu’ils ne sont que 27.1% (N=10) des parents concernés par une mesure administrative à déclarer cela.
  • Le fait que l’enfant soit accueilli en dehors du domicile ou pas (p=0.04 ; Khi2=10.17 ; ddl=4). Les parents dont l’enfant est toujours au domicile sont 51.6% (N=34) à dire être toujours d’accord avec les professionnel.le.s, alors qu’ils sont 68.9% (N=31) à être toujours en désaccord avec le référent quand leur enfant est accueilli en dehors du domicile.
  • La langue maternelle du parent (p=0.001 ; Khi2=19.13 ; ddl=4). Parmi les 20 parents se disant toujours d’accord avec les professionnel.le.s, 16 ont une autre langue maternelle que le français. À l’inverse, parmi les 19 parents toujours en désaccord avec les professionnel.le.s, 15 ont le français comme langue maternelle (soit 78.9%).

Au sujet des possibilités d’exprimer son désaccord, la proportion de parents osant le faire est très importante : 78.2% (N=86).

Ces résultats chiffrés confirment les discours recueillis auprès des parents du groupe de travail, mais aussi du groupe ressource de professionnel.le.s ainsi que la littérature sur les enjeux de la contractualisation et de la contrainte (Capelier, 2021). En effet, plus l’intervention de protection de l’enfance est contrainte (mesure judiciaire) et importante (séparation d’avec l’enfant), plus les sujets de désaccords entre professionnel.le.s et parents sont nombreux. Néanmoins, une variable plus inattendue apparait ici, la langue maternelle des parents. Une tendance à être d’accord avec les professionnel.le.s serait plus prononcée chez les parents n’ayant pas le français comme langue maternelle.

3-3-3 Les possibilités et les moyens de communiquer avec les professionnel.le.s

En plus des éléments concrets de moyens de communication possédés par les parents (voir dans la partie I, les points 4 et 7.2.2), utilisés ou possibles, la notion de disponibilité est un corollaire fort dans la dynamique d’échange entre parents et professionnel.le.s.

Dans le questionnaire, il était demandé aux parents de se positionner face à l’affirmation suivante :


Tout à fait d’accordA peu près d’accordPas vraiment d’accordPas d’accord du toutNe se prononce pas
Je trouve que mon référent est disponible quand j’en ai besoin54
48.2%
17
15.2%
17
15.2%
19
17%
5
4.5%
Tableau 13: Résultats sur la disponibilité des référent.e.s perçue par les parents

Aussi, 63.4% (N=71) des parents estiment que leur référent.e est disponible selon les besoins.

De plus, en termes de possibilités de communication, connaître les modes concrets de communication apporte un éclairage sur la fluidité de communication et/ou d’échanges d’informations. Le tableau suivant construit à partir des réponses au questionnaire montre l’usage dominant du téléphone (82.3%), mais aussi des rendez-vous physiques (64.6%) pour communiquer avec le ou la référent.e.

admin | Copa75 Tableau 14: Résultats sur le mode de communication avec le ou la référent.e

Les parents impliqués dans le groupe de travail ont soulevé la difficulté qu’ils ont à joindre les professionnel.le.s. Certains parents ont évoqué la possibilité de pouvoir diversifier les modes de communication et notamment d’utiliser le mail pour communiquer avec les travailleur.se.s sociaux.ales : « je ne vois pas ce qui les empêche de parler par mails, je ne sais pas de quoi ils ont peur ». Le téléphone semble être le moyen de prise de contact le plus répandu (voire le seul autorisé dans certaines situations), mais estimé peu efficace et très chronophage, et angoissant. En effet, le téléphone génère une communication par message interposé, par messagerie des professionnel.le.s vers les parents (et parfois en numéro masqué, ce qui rend impossible le rappel par les parents), et par prise de note d’un secrétariat des parents vers les professionnel.le.s, sans savoir si le message est arrivé à son destinataire ni quand. La fluidité et la rapidité des échanges en sont directement affectées. La domination de la communication orale aux dépens de la communication écrite, qui laisse des traces, alimente chez les parents un sentiment de méfiance vis-à-vis des engagements oraux non écrits, et cela même pour des éléments simples du quotidien comme l’organisation des vacances de l’enfant. Certains parents évoquent une asymétrie de communication, où le parent doit être constamment joignable sans réciprocité.

3-4 Les besoins identifiés par les parents

67 répondants ont rédigé une réponse à la question ouverte suivante : « en tant que parent concerné par la protection de l’enfance à Paris, de quoi auriez-vous besoin aujourd’hui ? ».

Dans ces réponses écrites, le terme « écoute » est mentionné 22 fois, ce qui est très important et rend compte du besoin exprimé à ce sujet. En plus du terme en lui-même employé tel quel « j’ai besoin d’écoute », « d’être plus écouté », nombre de réponses renvoient à cette dimension : « j’ai besoin que ma parole soit prise en compte ». Ensuite cette écoute est associée :

  • Au respect de leur rôle de parents : « j’ai besoin d’un ton différent dans les échanges où on me dévalorise », « j’ai besoin de considération et de non-stigmatisation », « une fois l’enfant placé, le parent n’est plus consulté »et de leurs droits : « qu’on respecte mes droits ».
  • À la communication entre les parents et le service : « un minimum de transparence et d’informations régulières », « j’ai besoin d’être plus informé ». Le manque d’informations est écrit à plusieurs reprises et un parent propose : « une information écrite (groupée) aux parents des activités (communication) viennent d’eux aussi des sorties, soirées… forme de journal hebdomadaire … pourrait être très rassurant pour nous. ». En effet, l’information attendue ne concerne pas seulement le déroulé de la mesure, mais bel et bien la vie quotidienne de l’enfant lorsqu’il est accueilli en dehors du domicile.
  • À la disponibilité des services et des professionnel.le.s : « que les pros soient disponibles », « des rendez-vous plus fréquents, un suivi plus régulier, mais pas sur mes horaires de travail ».

Plusieurs parents indiquent aussi avoir besoin que « les professionnel.le.s soient en nombre suffisant, bien payés et formés ». De même un parent écrit, il faudrait « plus de moyens pour l’ASE + meilleure rémunération des professionnel.le.s » « quoi de plus cher que nos enfants », « plus de reconnaissance ». Ces éléments démontrent que les parents ont conscience des conditions de travail des professionnel.le.s.

Le terme de soutien est également très présent : « j’ai besoin d’un soutien moral », « j’ai besoin de pouvoir compter sur une personne qui prend le relais », « j’ai besoin de soutien dans le quotidien ». Dans la continuité de ce besoin de soutien, des parents écrivent : « j’ai besoin de pouvoir parler à d’autres parents », « j’aimerais participer à un groupe de parole pour femmes isolées avec enfants », « j’ai besoin de participer aux réunions entre parents ». En plus de ce soutien recherché dans les collectifs de parents partageant la même expérience, un autre parent évoque le besoin d’« un vecteur intermédiaire qui puisse nous accompagner aux rendez-vous ».

Sont présentes aussi dans les réponses, les dimensions relatives aux enfants, mises en lien avec les besoins des parents : « j’ai besoin d’aide pour trouver des activités et un environnement permettant à mon enfant de s’épanouir, de développer sa confiance en lui et en la société ». « J’ai besoin qu’on m’aide pour la réussite de mon enfant, de son avenir ». Ce dernier aspect ouvre sur des perspectives plus larges en termes de besoins communs, de besoins partagés entre les parents et les enfants, au-delà des clivages d’opposition entre l’intérêt des parents et l’intérêt de l’enfant (Euillet & Lacharité, 2021).

3-5 Synthèse et propositions des parents : de la confiance et du faire avec

67.4% des parents disent connaître le rôle de chaque professionnel.le investi.e dans la mesure.
La connaissance du contenu des rapports rédigés est un réel enjeu pour les parents, qui en ont très peu connaissance surtout dans les situations où il s’agit d’un placement judiciaire (moins d’un parent sur deux).
Le niveau d’informations sur la vie quotidienne de l’enfant est largement insuffisant pour 61% des parents. Le manque de communication entre professionnel.le.s et parents associé à l’absence de PPE sont repérés par les parents comme les obstacles majeurs.
30% des parents dont l’enfant est en famille d’accueil peuvent se représenter le lieu de vie de leur enfant, contre 75% des parents dont l’enfant vit en lieu collectif.
27% des parents considèrent que leurs droits ne sont pas du tout respectés.
51.2% des parents pensent pouvoir donner leur avis aux professionnel.le.s au sujet des relations entre leurs enfants et à l’opposé, 58.5% pensent ne pas pouvoir donner leur avis à propos du bien-être de leur enfant.
La relation de confiance avec le ou la référent.e est estimée absente pour deux parents sur trois lorsque l’enfant est accueilli en dehors du domicile.
De plus, le niveau de désaccord entre parents et travailleur.se.s sociaux.ales est plus élevé lorsqu’il s’agit d’une mesure judiciaire (64% des parents concernés), lorsque l’enfant est accueilli (68.9%) et lorsque la langue maternelle du parent est le français (78.9%).
63.4% des parents estiment que leur référent.e est disponible s’ils en ont besoin, même si les difficultés de communication sont soulevées, notamment en termes de fluidité (communication par message téléphonique interposé) ou de réactivité (délais trop longs par rapport à la demande). La communication entre les parents et les professionnel.le.s leur parait asymétrique.
Ces éléments rejoignent le besoin d’écoute et de considération de leur rôle de parents, même s’ils n’ignorent pas les conditions de travail difficiles des professionnel.le.s.

Propositions des parents

admin | Copa75

Visant la transparence et la confiance entre parents et professionnel.le.s pour faire ensemble dans l’intérêt de l’enfant, les parents développent plusieurs propositions :

  • Généraliser à toutes les mesures de protection de l’enfance la mise en application de la loi1 à travers :
    • le Document individuel de prise en charge 2,
    • le Projet pour l’enfant 3 en associant les parents et l’enfant à la rédaction des objectifs,
    • la communication des rapports de synthèse avant l’audience au tribunal 4,
    • l’application des droits de visite et d’hébergement ordonnés par le juge.

En effet, de façon récurrente, certaines de ces obligations législatives semblent ne pas être respectées.

  • Créer un organe indépendant de l’ASE, chargé de s’assurer de la mise en œuvre territoriale des lois et des dispositions en vigueur ;
  • Communiquer les éléments factuels pris en compte dans l’évaluation de la situation de l’enfant au regard des responsabilités parentales (rapport de situation, art. R223.20 du CASF), et ce, tout au long de la chaîne décisionnelle ;
  • Rendre transparents le processus de décision et les organes compétents en la matière notamment en multipliant les supports d’information à destination des parents ;
  • Développer l’importance de l’écrit : rédiger des comptes rendus suite aux rendez-vous avec les parents, validés par toutes les personnes présentes, notamment les parents, afin de s’assurer qu’elles ont bien compris la même chose ; et permettre aux parents de contribuer par écrit aux différents temps d’évaluation et de décision ;
  • Mettre en place un cahier de liaison pouvant consigner des informations sur le quotidien de l’enfant, ses activités et loisirs, qui pourrait être alimenté par l’enfant, les professionnel.le.s et les parents lors des temps de visites et/ou d’hébergement ;
  • Mettre en place une réunion annuelle dans le service avec les différent.e.s professionnel.le.s et les parents, sans le juge des enfants, pour harmoniser les niveaux d’informations et dépasser certaines perceptions ;
  • Co-construire entre parents et professionnel.le.s une charte éthique « type » pour la protection de l’enfance qui évoquerait le respect des droits, la reconnaissance réciproque des expertises, la participation des professionnel.le.s et des parents, les principes de la co-éducation.

1 Des recommandations similaires ont été formulées par le Défenseur des Droits de l’enfant : Défenseur des Droits (2019) Enfance et violence : la part des institutions publiques. Recommandations p. 92-93.

2 Décret n° 2004-1274 du 26 novembre 2004 relatif au contrat de séjour ou document individuel de prise en charge prévu par l’article L.311-4 du CASF

3 Article L. 223-1 du code de l’action sociale et des familles

4 Article 1187 du Code de procédure civile et Article 223.21 du CASF : l’art. 223-21 oblige le président du conseil départemental à porter « le contenu et les conclusions du rapport à la connaissance du père, de la mère, de toute autre personne exerçant l’autorité parentale, du tuteur et du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité. Lorsque ce rapport est transmis à l’autorité judiciaire, cette démarche est faite préalablement. »