Appel à articles : quelles collaborations avec les familles ? (Rief, n° 55, 2025)

Dossier pour la RIEF, numéro 55 : Éducation familiale et travail social : quelles collaborations avec les familles ?

Dossier coordonné par Brigitte Baldelli (Université de Perpignan, FAIRE-ESS), Maria Àngels Balsells (Université de Lleida, FETSP), Frédéric Torterat (Université de Montpellier, LIRDEF) et Philippe Fabry (Université de Paris Nanterre, CREF/EFIS)

À un moment où de nombreuses professions sont appelées à se saisir des opportunités permettant de resserrer les liens entre les usages parentaux d’éducation, et le soutien des autres parties prenantes aux premiers apprentissages socialisés de l’enfant (Maubant et Leclerc, 2008 ; Lebon et Torterat, 2020 ; Francis et Doucet-Dahlgren, 2021), la part du travail social occupe une place significative. De nombreux travaux démontrent sur ces points dans quelle mesure les pratiques professionnelles interconnectées dans une approche écologique, inclusive et participative, apportent de meilleurs résultats pour les familles (Balsells et al., 2015). Dans cette approche, les professions concernées sont appelées à travailler conjointement pour une approche globale de la parentalité en réponse aux besoins développementaux de l’enfance, aux compétences familiales mais aussi à l’amélioration des conditions de vie des parents (Lacharité, 2017). Les rôles des professionnels consistent à ce titre à garantir de nouvelles connaissances sur leur situation et les visées transformatrices.

Quelques formes qu’ait déjà prises une telle collaboration et son incidence sur les politiques publiques (Maltais et Herry, 2005 ; Eurydice Key Data on Early Childhood Education and Care in Europe, 2019 ; Bigras et al., 2020), une réanalysedes représentations et des pratiques empiriques semble aujourd’hui s’imposer. Car les questions qu’elle soulève sont multiples, tant en termes d’intervention (Lavielle-Gutnik, 2019), d’accompagnement des parcours (Francis, 2011), que des professionnalités à l’œuvre (Torterat, 2019), mais également du rapport au droit et aux institutions. Les conclusions auxquelles aboutissent divers auteurs confirment que l’empirie plaide en faveur d’une perspective unifiée sur la famille et l’exercice de la parentalité, sur la base d’un partage de l’information et des responsabilités, y compris en termes de planification des interventions (Rodrigo et al., 2021).

L’un des objectifs du dossier consiste à témoigner des apports de quelques domaines de recherche parmi les plus impliqués dans la compréhension de ces enjeux. Mais c’est surtout autour le regard que portent tant les acteur/trice·s eux/elles-mêmes sur les modalités de leur accompagnement de l’éducation familiale, que s’organise le présent numéro. En effet, confronté·e·s à des questions éducationnelles et sociales récurrentes, y compris au vu des « déterminismes » (Talbot, 2006), des « configurations » (Lavoie et Pagé, 2021) et des « formes de participation » (Baldelli et Langlet, 2022) du monde contemporain, les intervenant·e·s en travail social accompagnent les parents dans des contextes où il convient conjointement d’examiner « la façon dont la vulnérabilité a pris place dans la vie quotidienne […] de professionnel·le·s des secteurs éducatif [et] social » (Baeza et al., 2020). Historiquement, « le travail social s’inscrit dans les valeurs républicaines, […] les principes de solidarité, de justice sociale, de laïcité, de responsabilité collective, et le respect des différences [et] des diversités », dans le but notamment de « promouvoir, par des approches individuelles et collectives, la transformation sociale, le développement social, la cohésion de la société » (Décret du 6 mai 2017, n° 877). Pour autant, plusieurs tournants sont apparus depuis ces dernières années, avec une influence plus ou moins marquée sur le lien entre ce secteur d’activité et l’éducation familiale (cf. Iori & Charles, 2021).

Pour les travailleurs sociaux opérant dans le cadre de la protection de l’enfance et / ou d’enfants porteurs de divers handicaps, ou encore au titre d’interventions socio-éducatives d’aide aux parents, la question de la participation des familles et du développement de leur pouvoir d’agir constitue la pierre angulaire de leurs suivis. L’implication parentale en protection de l’enfance, mais aussi celle des enfants à la vie quotidienne des services qui les accueillent, sont certes fortement recommandées par le législateur, mais important demeure le décalage entre la « théorie » et la pratique (Faisca, 2021 ; Bordeau et Torterat, 2022). Ces constats concernent tout particulièrement les mères seules ou les couples stigmatisés par des situations de pauvreté et des difficultés sociologiques, voire psychologiques, et montrent à quel point les difficultés relationnelles et interactionnelles, souvent conflictuelles, s’enferrent dans un rapport inégalitaire et biaisé. En l’occurrence, « les professionnels ont tendance à se focaliser sur les lacunes des enfants et parents et ne les considèrent pas comme porteurs de ressources pour aborder les difficultés rencontrées. Pour beaucoup [d’entre eux], le manque d’implication et de communication des parents est dû aux différences culturelles, notamment lorsque les parents sont issus de l’immigration » (Akkari et Changkakoti, 2009). Dans le secteur du handicap en particulier, les parents ressentent aussi des formes de jugement sur leur éducation, avec le sentiment que l’institution d’accueil de leurs enfants se méfie d’eux, alors même que le rapport « savant-profane » a tout à gagner de cette collaboration (Baldelli, 2019).

Cependant, depuis une vingtaine d’années environ, du fait entre autres de certaines mutations de la coordination entre éducateurs, parents et professionnels participant à l’éducation des enfants, « on observe une transformation du contexte social et des relations parents-professionnels », avec des parents de « plus en plus informés » (Girard, Miron & Couture, 2014). Ces transformations concernent l’augmentation et /ou la valorisation des savoirs des familles, ce qui va dans le sens du développement de leur pouvoir d’agir afin de réduire le fossé pouvant exister entre elles et les professionnel·le·s de l’intervention sociale.

Outre l’historique qu’il convient de dresser sur cette relation, soumise aux aléas des politiques familiales et des structures de suppléance familiale, le présent dossier vise à explorer plus avant le rapport entre savoirs éducationnels des familles, développement de leur pouvoir d’agir et interactions renouvelées avec les professionnel·le·s du travail social. L’insistance sera portée sur cette forme d’aboutissement, encore controversée, que constitue la co-éducation, celle-ci renvoyant à « la volonté de placer les parents et citoyens dans une position active, participative », sous-tendant « l’idée d’une participation égale, ou du moins sans relation de hiérarchie, des parents et des professionnels à l’éducation d’un enfant, et ce, depuis des places différenciées » (Moisset, 2009). Dans la mesure où un tel partenariat se définit par le travail conjoint du professionnel et de la famille, afin d’atteindre des objectifs communs dans une confiance mutuelle (Bardou, 2015), les enjeux sont multiples et nécessitent des éclairages pluriels.

Références bibliographiques

Akkari, A., & Changkakoti, N. (2009). Les relations entre parents et enseignants. La revue internationale de l’éducation familiale, 1, 103-130.

Baeza, Carole, Gross, Olivia, Lansade Godefroy & Mozziconacci, Vanina (2020). Situations de vulnérabilité : paroles, savoirs, pouvoirs. Éducation et socialisation, 57 [En ligne]. URL : http://journals.openedition.org/edso/12303  ; DOI : https://doi.org/10.4000/edso.12303

Baldelli, B. (2019). Paroles diverses. Entretien avec des parents d’enfants en situation de handicap : autisme et gémellités. Pensée plurielle49, 167-172. DOI : 10.3917/pp.049.0167 URL : https://www.cairn.info/revue-pensee-plurielle-2019-1-page-167.htm

Baldelli, B. & Langlet, M. (2022). Accueil et accompagnement des personnes exilées: entre tensions idéologiques et modes de coopération des professionnels et des bénévoles. In Accueil et accompagnements d’étrangers primo-arrivants (pp. 85-99). Champ social.

Balsells, M. À., Pastor, C., Mateos, A., Vaquero, E., & Urrea, A. (2015). Exploring the needs of parents for achieving reunification: The views of foster children, birth family and social workers in Spain. Children and Youth Services Review, 48, 159–166. Https://doi.org/10.1016/j.childyouth.2014.12.016

Bardou, É. (2015). Co-éducation parents-professionnels. La parentalité au cœur d’un lieu d’accueil enfants-parents et dans une crèche parentale. Journal des psychologues, 328. URL : https://www.jdpsychologues.fr/article/coeducation-parents-professionnels-la-parentalite-au-coeur-d-un-lieu-d-accueil-enfants

Bigras, N., Dessus, P., Lemay, L., Bouchard, C., & Lequette, C. (2020). Qualité de l’accueil d’enfants de 3 ans en centre de la petite enfance au Québec et en maternelle en France. Enfances Familles Générations. Revue interdisciplinaire sur la famille contemporaine, 35 http://journals.openedition.org/efg/10581

Bordeau, M., Torterat, F. (2022). Catégorisations discursives représentées dans les bilans de formation en travail social. Formation et profession, 30(1), 1-12. http://dx.doi.org/10.18162/fp.2022.591

European Education and Culture Executive Agency, Eurydice, Key data on early childhood education and care in Europe, 2019, Publications Office, 2019, https://data.europa.eu/doi/10.2797/958988

Faisca, E. (2021). La participation de l’enfant en protection de l’enfance : Enjeux, conditions et obstacles. Enfances Familles Générations, 37 [En ligne]. URL : http://journals.openedition.org/efg/11675

Francis, V. (2011). La parentalité à l’épreuve de la scolarité. Approches parentales de l’offre d’accompagnement en contexte de transitions. Connexions96 : 161-178. https://doi.org/10.3917/cnx.096.0161

Francis, V. & Doucet-Dahlgren, A. (2021). Participation et coopération à l’école maternelle : des leviers pour l’inclusion des parents en situation de vulnérabilités. La Nouvelle revue – Éducation et société inclusives89-90(1) : 47-59. https://doi.org/10.3917/nresi.089.0047

Girard, K., Miron, J.-M. & Couture, G. (2014). Le développement du pouvoir d’agir au sein des relations parents-professionnels en contexte d’intervention précoce. Phronesis, 3(3), 52–62. https://doi.org/10.7202/1026394a

Iori, R. & Charles, Ch. (2021). Regards sur les usages de la catégorie « travail social » dans les recherches en sciences humaines et sociales. Recherche et formation94, 83-99.

Lacharité, C. (2017). Programme d’aide personnelle, familiale et communautaire : PAPFC2. Program Guide (2nd ed.). CEIDEF/UQTR. https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/docs/GSC4103/F_1176562899_Guide_PAPFC

Lacharité, C, Balsells, M.A., Milani, P., Ius, M., Boutanquoi, M., Chamberland, C. (2022). Protection de l’enfance et participation des familles Cadre pour la transformation des cultures organisationnelles et l’adaptation des pratiques professionnelles. Dans D. St-Laurent, K. Dubois-Comtois & C. Cyr, La maltraitance: Perspective développementale et écologique-transactionnelle (p. 341-364). PUQ.

Lavielle-Gutnik, N. (2019). Les acteurs de l’intervention sociale face aux défis du renforcement de leurs identités et de leurs collectifs de travail. Forum156, 37-48. https://doi.org/10.3917/forum.156.0037

Lavoie, K., & Pagé, G. (2021). La famille en changement: étudier la pluralité des trajectoires et des configurations familiales pour en favoriser la reconnaissance scientifique et sociale. Service social67(1), 1-9.

Lebon, F., & Torterat, F. (2020). Se former par la recherche en travail social?. Recherche formation94(2), 11-17.

Maltais, C., & Herry, Y. (2005). Un programme de maternelle quatre ans à mi-temps: La perception des parents et des intervenants scolaires. International Journal of Early Childhood37(1), 19-26.

Maubant, P., & Leclerc, C. (2008). Chapitre 1. Le partenariat famille-école: à la recherche de l’improbable partenariat école-famille; origines d’un malentendu. In Construire une communauté éducative (pp. 23-36). De Boeck Supérieur.

RIEL (2017). Familles et professionnels de la petite enfance : quels liens à bâtir ? (coord. S. Coutu & G. Cantin).

Rodrigo, M. J., Arranz, E., Balsells, M. A., Hidalgo, M. V., Máiquez, M. L, Martín, J. C., Martinez, R. A., Ochaita, E., y Manzano, A. (2021). Guía de competencias interprofesionales en parentalidad positiva. Un recurso para fortalecer y consolidar las buenas prácticas en los servicios de infancia, adolescencia y familias. Federación Española de Municipios y Provincias (FEMP). http://familiasenpositivo.org  

Talbot, Laurent (2006). Les représentations des difficultés d’apprentissage chez les professeurs des écoles. Empan, 63, 49-56.

Torterat, Frédéric (2019). Les points de vue représentés dans les entretiens des formateurs : entre discours institués et discours individués. In Thérèse Perez-Roux (éd), La Réforme des études en santé, entre universitarisation et professionnalisation. Le cas des études en masso-kinésithérapie (p. 121-132). L’Harmattan (coll. Pratiques en formation).

Procédure et calendrier  

Un fichier comprenant les coordonnées des auteur-e-s, un titre provisoire et un résumé d’une page du projet d’article, références bibliographiques incluses, sera envoyé avant le 15 mai 2024 aux coordinateur et coordinatrices du dossier avec copie à fabry.philippe@gmail.com

Un retour sera fait aux auteurs et autrices dans les 15 jours. 

Les articles, attendus avant le 30 août 2024, sont à envoyer aux coordinateur et coordinatrices du dossier avec copie à Philippe Fabry. Les textes révisés après expertise, mis en page et relus, devront parvenir en janvier 2025.

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