Appel à articles : L’éthique du care dans l’accompagnement de jeunes « autrement capables » – Dossier thématique de la Revue Internationale d’Éducation Familiale

L’éthique du care dans l’accompagnement de jeunes
« autrement capables »
Dossier thématique de la Revue Internationale d’Éducation Familiale
coordonné par François Gremion, HEP-BEJUNE, Suisse
et par Matthieu Laville, Université de Caen Normandie, France


La pandémie de Covid-19 a mis en lumière, pour un temps, le « théâtre d’ombres » constituées
de travailleurs du care (soignants, aides à domicile, aidants familiaux…), jusque-làinvisibilisés
dans l’espace social (Molinier, 2013). Tapi dans l’ombre des certitudes prescriptives et
applicationnistes, le travail du care souvent peu valorisé, voire pas reconnu du tout,répond
pourtant à des problèmes concrets et quotidiens qui ne peuvent « être définis a priori »et dont
la résolution n’est d’ailleurs « jamais définitive ni pleinement satisfaisante » (Garrau, 2014,
p. 47). Le travail du care offre la possibilité d’entrevoir autrement l’accompagnement, par-delà
les guides de bonnes pratiques et autres procédures officielles qui balisent les pratiques
institutionnelles. Il met en lumière des « savoir-faire discrets » (Molinier, 2010), mais aussi des
« savoirs expérientiels » (Gardien, 2019) mobilisés par les prestataires du care et parfois co-
construits avec les bénéficiaires. Le travail du care fait écho à cette « voix morale différente »
(Gilligan, 2009) qui tente de faire reconnaître « que ces relations ne sont pas des“accidents”
négligeables d’une organisation sociale et politique, mais les conditions sur lesquelles s’appuie
toute organisation des relations sociales à l’intérieur d’une société » (Paperman, 2011, p. 331).
Elles répondent aux besoins en matière de soins, d’éducation, ou encore plus largement de bien-
être, rencontrés par chaque individu au cours de son existence. S’appuyant sur des compétences
relationnelles et contextuelles « telles que l’attention, la capacité à répondre aux besoins
d’autrui et la sensibilité au contexte » (Garrau, 2018, p. 62), l’éthique du care a une orientation
morale qui vise à se soucier des autres. Si les activités de care sont à appréhender dans la
quotidienneté, elles visent, de façon plus large, le maintien et l’entretien de la vie (Tronto, 2008)
et proposent une alternative politique (Tronto, 2009) à la résolution des dilemmes moraux.
Ainsi, à rebours d’une vision occidentale, basée sur une conception universaliste de la justice
qui valorise l’autonomie des personnes, l’éthique du care s’appuie sur une éthique du concret
qui puise sa source dans notre fonds anthropologique commun de vulnérabilité (Gilligan, 2009 ;
Tronto, 2009). Cette dernière agit comme une matrice discrète dans laquelle se déploient les
relations d’interdépendance intrinsèques aux êtres humains, leur permettant d’être reliés entre
eux et à leur environnement. C’est en ce sens que Patricia Paperman nous interpellelorsqu’elle
écrit dans un chapitre, issu d’un ouvrage consacré au souci des autres (Laugier etPaperman,
2011), que « les gens vulnérables n’ont rien d’exceptionnel ». Elle poursuit en précisant que
« l’analyse du care a pour vertu de faire surgir derrière l’image rassurante d’une société
constituée d’adultes compétents, égaux, autonomes, en bonne santé, la permanence des activités
de soins … » (Paperman, 2011, p. 331). Dans le même sens, Charles Gardou, évoquant sa
fille en situation de handicap, nous rappelle que « sa fragilité est la nôtre, parce que c’est là ce
que vivent les humains, là où se tissent les liens entre eux. Mater matuta, mère du matin, c’est
cette fragilité qui, ontologiquement, nous unit, en donnant son sens profond à toute relation.
Source de la source, elle coule, même sommeillant, du début à la fin. Ce qui nous distingue
n’est pas cette réalité intime, mais la façon d’y réagir » (Gardou, 2022, p. 38). Enfin, comme
le précise Marie Garrau, la vulnérabilité peut se décliner « en de multiples vulnérabilités
problématiques et contingentes » (2018, p. 20).Ce sont précisément ces vulnérabilités problématiques et leur prise en compte que nous
proposons de déplier dans ce numéro thématique. Il s’agira plus particulièrement de rendre
compte de situations d’accompagnement auprès de jeunes « autrement capables ».Cette notion,
expression d’origine mauricienne comme alternative au mot « handicap » (Nuss, 2008 ;
Plaisance, 2009), invite à sortir d’un regard défectologique – souvent associé au handicap – et
à mettre l’accent non plus sur les incapacités des personnes – administrativement désignées
handicapées – mais sur leurs capabilités.
Ce dossier vise à rendre compte des différentes perspectives qu’offre l’éthique du caredans le
champ de l’éducation familiale et des interventions socio-éducatives en direction des familles
d’enfants « autrement capables ». L’accompagnement éducatif, les modalités de coordination
de cet accompagnement mais également les rôles multiples endossés respectivement par les
professionnels et par les familles, pourront constituer des terrains d’investigationpropices à
éclairer des déclinaisons du travail de care auprès des enfants à besoins spécifiques.Ce dossier
se propose donc de réunir des contributions qui portent sur les divers protagonistes ducare dans
le domaine de l’éducation familiale. Ces protagonistes peuvent être les prestataires,
professionnels ou familiaux, ou les bénéficiaires e.g. des représentants des familles (parents,
fratrie, grands-parents, oncles et tantes, cousins…), des cercles amicaux, ou encore des groupes
professionnels (enseignants, éducateurs, soignants…). À ce titre, les contributions peuvent
aussi porter sur les différentes facettes du care, telles que relevées par Pascale Molinier (2012) :
le care comme « gentleness », « savoir-faire discret », « sale-boulot », « travail inestimable »
ou « récit politique ».
Comme pour tous les dossiers thématiques de la Revue Internationale de l’Éducation Familiale,
des contributions et perspectives issues des recherches internationales, dans et hors l’espace
francophone, sont attendues et seront les bienvenues.

Références bibliographiques
Gardien, E. (2019). L’accompagnement et le soutien par les pairs. Grenoble : PUG.
Gardou, C. (2022). La fragilité de source : ce qu’elle dit des affaires humaines. Toulouse : Éres.
Garrau, M. (2014). Care et attention. Paris : PUF.
Garrau, M. (2018). Politiques de la vulnérabilité. Paris : CNRS.
Gilligan, C. (1982/2008). Une voix différente. Pour une éthique du care. Paris : Flammarion.
Molinier, P. (2012). Éthique et travail du care. Centro de estudos da metropole, 1-13.
Molinier, P. (2013). Le travail du care. Paris : La Dispute.
Nuss, M. (2008). La présence à l’autre. Paris : Dunod.
Paperman, P. et Laugier, S. (dir.). (2011). Le souci des autres. Éthique et politique du care (pp.281-
297). Paris : Éditions de l’EHESS.
Paperman, P. (2011). Les gens vulnérables n’ont rien d’exceptionnel. Dans P. Paperman et S.Laugier
(dir.), Le souci des autres. Éthique et politique du care (pp. 281-297). Paris : Éditions de l’EHESS.
Plaisance, E. (2009). Autrement capables. École, emplois, société : pour l’inclusion des personnes
handicapées. Paris : Autrement.
Tronto, J. (1993/2009). Un monde vulnérable, pour une politique du care. Paris : La Découverte.

Procédure et calendrier
Un fichier comprenant les coordonnées des auteur-e-s, un titre provisoire et un résumé d’une page du projet
d’article, références bibliographiques incluses, sera envoyé au plus tôt et avant le l5 mai 2023 aux
coordinateurs du dossier francois.gremion@hep-bejune.ch et matthieu.laville@unicaen.fr avec copie à
veronique.francis@univ-orleans.fr. et natalia.pino@univ-orleans.fr.
Un retour sera fait aux auteurs et autrices dans les 15 jours.
Les articles, attendus avant le 1er décembre 2023, sont à envoyer à Véronique Francis et Natalia Pino.
Les textes révisés après expertise, mis en page et relus, devront parvenir aux coordinateurs en mai 2024.

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