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L’accès à la santé des enfants pris en charge au titre de la protection de l’enfance : accès aux soins et sens du soin

Chercheur⋅es impliqué⋅es : Séverine Euillet, Juliette Halifax, Pierre Moisset, Nadège Séverac

Recherche financée par le défenseur des droits et le fonds CMU

Comment est pensée la santé des mineurs placés au titre de la protection de l’enfance ? La question est entière au regard du peu de travaux dont on dispose pour y répondre, mais aussi complexe et vaste par les nombreuses conceptions, applications, politiques territoriales et dynamiques partenariales mobilisées autour de cette thématique. Dans le cas des enfants protégés, la question de l’accès aux soins est compliquée par leur prise en charge institutionnelle qui met en jeu l’articulation entre acteurs institutionnels, professionnels et parents, et pose avec acuité la question de la perception de la santé des enfants par les professionnels. En effet, de cette perception dépend l’identification des besoins appelant une réponse en termes de soin. Afin de mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre à propos de l’accès à la santé et aux soins des enfants pris en charge en protection de l’enfance, la présente recherche est structurée autour de trois axes principaux :

  • Les relations interinstitutionnelles afin de repérer comment les institutions (ASE, PJJ et CPAM1) se coordonnent et fonctionnent afin de garantir l’accès aux droits à la santé des enfants protégés. Dans ce premier niveau incontournable, sont questionnés à la fois les partenariats interinstitutionnels mis en place, leur effectivité dans la pratique et l’organisation plus spécifique au sein de chaque institution.
  • La prise en charge de la santé par le dispositif de protection de l’enfance et ses partenaires du soin, dans l’objectif de comprendre le jeu des acteurs, les représentations et les pratiques professionnelles relatives à la santé des enfants. Ce niveau concerne la façon dont les réglementations, les fonctionnements, les modes de communication, les outils mis en place sont ensuite appropriés, pratiqués et adaptés par les acteurs professionnels missionnés. Il touche donc les pratiques professionnelles éducatives qui se trouvent à l’interface entre le niveau institutionnel et les situations bien précises des enfants concernés. Sans une connaissance fine du rôle de ses acteurs, les dispositions institutionnelles mises en place ne peuvent pas trouver de point d’ancrage.
  • L’accès à la santé et le sens du soin, du point de vue des enfants protégés et de leurs parents. Ce troisième niveau concerne le sens donné aux soins par les enfants accueillis et leurs parents, et donc le rapport à la santé, au corps, à l’image de soi.

Afin de traiter ces trois niveaux, ont été menées simultanément une enquête quantitative par questionnaire adressé à toutes les CPAM, les DT PJJ et les services départementaux de l’ASE. et une qualitative, par 41 entretiens dans cinq départements auprès de professionnels, parents et enfants.

Les principaux résultats indiquent que les enfants protégés bénéficient d’une couverture santé, mise en place par les services de protection dès leur prise en charge. L’articulation avec l’autorité parentale apparait de façon criante à cette étape-là, même si le souci que l’enfant dispose rapidement d’une couverture et d’un accès aux soins satisfaisant participe à privilégier une automaticité. Apparaissent des difficultés de couverture santé dans des périodes charnières de prise en charge de l’enfant : le passage à la majorité et le retour en famille. Le suivi de la santé des enfants protégés est apparu comme empli de paradoxe dans la pratique et dans la conception dans les discours des cadres territoriaux et des travailleurs sociaux. Il apparaît nettement que la préoccupation autour du soin de l’enfant protégé relève de la sensibilité, de la proximité, de l’aisance de chacun avec cette question, au-delà des fonctionnements organisationnels systématisés ou pas. Les outils potentiellement mobilisables à cette fin ne sont que peu utilisés : PPE, DIPC, RISS. Cet éclatement est également observable au niveau du territoire. Les réseaux de santé territoriaux semblent diversement établis sur l’ensemble du territoire national. Face à cette complexité d’acteurs, d’institutions et de démarches, parents et enfants semblent particulièrement désorientés. Leur discours relève essentiellement une pluralité de pratiques notamment variables selon les lieux d’accueil de l’enfant. Les mineurs rencontrés ne connaissent que peu les modalités de leur couverture santé et les rôles différenciés de leur parent et de leur référent par exemple. Leur rapport à la santé s’appuie surtout sur des représentations sociales de la bonne santé comme absence de maladie, et peu avec une dimension de prendre soin de soi. Toutefois, les futurs majeurs mesurent l’enjeu de la santé à la majorité, comme une prise d’autonomie également par rapport à cette dimension de soin.

La dimension de la santé n’échappe pas au risque de parcours fractionné, avec un manque d’historicité, de globalité et de cohérence. Au-delà des conditions d’affiliation plutôt aisées majoritairement et à améliorer lors des changements de statut des enfants, le portage institutionnel, territorial et professionnel autour de cette question interroge.

Publications issues de cette recherche

Rapport final

Euillet, S. (2019). La santé des enfants protégés, une approche particulière. Métiers de la petite enfance, 267, 24-26.

Euillet, S., Halifax, J., Séverac, N., & Moisset, P. (2021). Quand vulnérabilités sociales et sanitaires se mêlent : Le parcours en protection de l’enfance. In M. Boutanquoi & C. Lacharité (Eds), Enfants et familles vulnérables en protection de l’enfance (pp. 161-172). Besançon : Presses Universitaires de Franche Comté.

1 ASE : Aide Sociale à l’Enfance, service du Conseil départemental. PJJ : Protection Judiciaire de la Jeunesse, institution constituée de Directions Territoriales (DTPJJ). CPAM : Caisse Primaire d’Assurance Maladie.

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