Persistance et reconfigurations de la parenté nourricière dans l’accueil familial
Thèse réalisée et soutenue le 18 mars 2019 par Philippe Fabry,
sous la direction de Gilles Séraphin.
Le président du jury était Stéphane Rullac.
Le jury était composé de Gilles Séraphin, Stéphane Rullac, Mathias Gardet, Catherine Sellenet, Séverine Euillet.
Les rapporteurs étaient Mathias Gardet, Catherine Sellenet.
Résumé :
L’expression « parents nourriciers » n’est plus utilisée en France depuis environ un demi-siècle. Pourtant notre pays signe des traités internationaux faisant figurer la parenté nourricière, et le conseil de l’Europe donne des recommandations à son sujet. Il s’agit d’un terme de droit figurant dans plusieurs codes civils francophone (Suisse, Belgique) mais pas dans le code civil français, cette parenté y faisant l’objet d’un déni juridique ancien. Dans le droit international, ce terme désigne une protection de remplacement pour les enfants placés ne pouvant, provisoirement ou durablement, vivre avec leurs parents.Dans un premier temps, l’approche historique nous permet de présenter la construction de la parenté nourricière – parenté d’éducation, intermédiaire entre placement et adoption – et la contradiction entre le modèle adoptif de l’Assistance publique et l’absence de reconnaissance légale des liens créés. Nous décrivons ensuite le contexte actuel de la protection de l’enfance. Le modèle substitutif – remplacer des parents absents ou disqualifiés – se transforme en contre-modèle, et la norme dominante devient l’accueil provisoire référé à la suppléance familiale (Paul Durning, 1986). De ce fait les enfants sont plutôt placés que confiés, le provisoire n’a pas de limite, et le rôle parental des assistants familiaux est peu reconnu. La recherche empirique est fondée sur des récits de vie professionnelle de 12 assistants familiaux (pour dix familles d’accueil) abordant 35 situations d’enfants accueillis dans le passé ou actuellement. A partir de leurs points de vue nous cherchons à faire apparaître la persistance de la parenté nourricière et ses reconfigurations dans l’accueil familial. En associant une approche anthropologique, la théorie de l’attachement et l’approche politique du care, nous analysons le rôle parental des assistants familiaux. En se transformant en accueil familial, la parenté nourricière garde ses fondamentaux : il s’agit toujours de vivre avec un enfant, de le nourrir, d’en prendre soin (le care), de l’éduquer. Mais il ne s’agit plus de remplacer des parents disqualifiés et l’enfant est inscrit dans une pluriparentalité à la fois réelle et incertaine, du fait du déni juridique de la parentalité d’accueil. Nous étudions les reconfigurations liées au changement des publics, les risques et les échecs qui y sont associés, et la nouvelle mission de soutien des parents des enfants accueillis. Enfin, une reconfiguration majeure est l’utilisation de l’adoption simple par les familles d’accueil et les jeunes adultes, après le placement.Dans une troisième partie nous étudions comment la parenté nourricière peut être reconnue dans le droit et les institutions françaises, en nous fondant sur des exemples étrangers et des propositions d’experts.