| | |

Les conférences familiales en France : appropriation d’un outil par les professionnels et les institutions de la protection de l’enfance

Thèse réalisée par Marie-Pierre AUGER,

sous la direction de Gilles Séraphin (contrat Cifre avec l’association Jean Cotxet).

Thèse soutenue le 17 mars 2023 à lUPN. 

Jury : 

  • Paola Milani, professeur ordinaire à l’Université de Padoue (présidente), 
  • Carl Lacharité, professeur à l’Université de Québec Trois-Rivières (rapporteur), 
  • Stéphane Rullac, professeur à la HES-SO de Lausanne (rapporteur), 
  • Anna Rurka, maîtresse de conférence à l’UPN (membre), 
  • Gilles Séraphin, professeur des universités à l’UPN (directeur de thèse).

Résumé :

La conférence familiale est née en Nouvelle-Zélande au début des années 1980. Son objectif est de  résoudre un problème concernant un enfant en danger. Elle permet à la famille de poser le problème  et de choisir, avec tous ceux qui lui sont proches, les ressources à mettre en œuvre pour sa résolution.  Bien informée, mais indépendante des professionnels, la famille établit un plan d’action qui répond à  ses questions centrales (Daatselaar, 2006). 

La conférence familiale est une innovation en protection de l’enfance en France. Son émergence vient  répondre à un constat de crise sociale d’un territoire par ses responsables, d’un sentiment d’échec des  dispositifs institutionnels ou de perte de sens en leur mission par les professionnels. Pour les familles,  elle permet de prendre des décisions en dehors des travailleurs sociaux. Pour les professionnels, sa  découverte réveille l’émotion et la volonté d’aide à l’origine de leur engagement dans le travail social  mises à mal par les contraintes des dispositifs. 

La conférence familiale s’inscrit dans un système de croyances en la nécessité de revisiter les rapports  de domination avec les familles accompagnées en favorisant leur capacité à inventer de nouvelles  réponses éducatives visant la réduction du danger d’un enfant avec les personnes qui leur sont proche.  L’étayage institutionnel reste présent via la compétence de médiation du coordinateur. Selon le  contexte, la validation du juge des enfants intervient sur les décisions prises à la fin du processus. 

Portée comme un nouveau système de valeurs par ses promoteurs, une conférence familiale s’initie à  partir d’une conviction, se construit par la revisite des connaissances et se conclut par un nouveau  savoir d’action. Ce processus de co-construction enfant-famille-réseau-professionnel vise à produire  un changement au bénéfice de l’enfant et de sa famille.  

Le travail social, et plus spécifiquement ici la protection de l’enfance, sont des domaines polymorphes  s’appuyant sur différents champs de référence. Les intentions humaniste et démocratique sont les références principales de la conférence familiale visant la créativité des professionnels et des familles  accompagnées. 

Le nouveau paradigme affirme la capacité d’autonomie des familles par l’activation de leur réseau et  revendique la mise à distance des pouvoirs d’action institutionnels.  

L’objet de cette thèse est d’analyser comment les prises de décisions agissent sur les places (statut et  rôle) des acteurs participant à des conférences familiales en protection de l’enfance en France. La recherche porte sur les acteurs et leur rapport à la centration sur les besoins de l’enfant dans une  logique écosystémique (Bronfenbrenner, 1979), leur fonction réflexive (La Charité, Lafantaisie, 2016)  la défense contre la position d’acteurs faibles (Giuliani, Laforgue, Payet, 2008), l’action sur les  déterminants du risque, le consentement ou la contrainte, la contractualisation ou l’acte  d’engagement (Capelier, 2002) et les processus de lutte contre les effets iatrogènes des institutions,  la reproduction des rapports de domination et la construction de la capabilité (Nussbaum, 2012) 

La conférence familiale est outil qui valorise la lutte pour la justice sociale (Sen, 2010) s’inscrit dans le  champ de l’empowerment en tant que processus par lequel une personne se trouvant dans des  conditions de vie plus ou moins incapacitantes développe, par l’intermédiaire d’actions concrètes, le  sentiment qu’il lui est possible d’exercer un plus grand contrôle sur les aspects de sa réalité  psychologique et sociale (Ninacs, 2008). 

Dans le domaine de l’innovation socio-éducative (Breugnot, 2011), la coopération entre les différents  acteurs se révèle une condition sine qua non de la création et de la production d’innovations sociales,  sans toutefois en faire partie intégrante (Fontan, 1998).  

Le groupe constitué en vue de la conférence familiale produit un tout défini par les relations  interindividuelles composées de multiples enjeux qui doivent se mettre en accord par la mobilisation de règles d’accordage (Ravon, 2012) sur les questions, moyens, buts et efficience du processus dans  une visée de réduction voire de disparition des éléments de danger initiaux. 

Le cheminement visant à la responsabilisation individuelle et collective par l’action sur la prise de  décisions participe du transfert de compétences (Carré, 1993) entre les membres d’un même groupe  constitué par un intérêt commun : celui de l’enfant. 

Références :

Alfoldi F. (2002) Family group Conferencing, Les Cahiers de l’Actif, n°318.319, p 13-25. Breugnot P. (2011) Les innovations socio-éducatives Dispositifs et pratiques innovants dans le champ  de la protection de l’enfance, Presses de l’EHESP. 

Burford G., Hudson J. (2000) Family Group Conferencing New directions in community-centered child  and family practice, Adeline de Gruyter. 

Capelier F. (2012) Enjeux et particularités de la contractualisation en protection de l’enfance :  l’exemple du projet pour l’enfant, Sociétés et jeunesses en difficulté, n°13, http://journals. openedition.org/sejed/7396. 

Bronfenbrenner U. (1979) The ecology of human development: Experiments by nature and design [L’écologie du développement humain : expérimentations par nature et conception], Harvard  University Press. 

Giuliani F. (dir), Laforgue D. (dir), Payet J-P (dir) (2008à La voix des acteurs faibles : de l’indignité à la  reconnaissance, Presses universitaires de Rennes, DOI : 10.4000/books.pur.13048. Lacharité C. (2006) Vers une théorie écosystémique de la négligence envers les enfants, Bulletin de  Psychologie, n°484, p 381-394, . https://doi.org/10.3917/bupsy.484.0381.

Ninacs W.A. (2008) Empowerment et intervention. Développement de la capacité d’agir et de la  solidarité, Presses Universitaires de Laval. 

Sen A., L’Idée de justice, Seuil, Paris, 2010. 

Nussbaum M. (2012) Capabilités – Comment créer les conditions d’un monde plus juste, éd. Climats. Paillé P. (1994) L’analyse par théorisation ancrée Cahiers de recherche sociologique, n°23, p 147-181,  https://doi.org/10.7202/1002253ar.

Publications similaires

2 commentaires

Les commentaires sont fermés.