Les enfants victimes de dérives sectaires : dénombrer et comprendre
La Miviludes définit une dérive sectaire comme « la mise en œuvre, par un groupe ou un individu, de pressions ou de techniques visant à créer, maintenir ou exploiter un état de sujétion psychologique ou physique, privant une personne d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour elle-même, son entourage ou la société »[1]. Le sujet des dérives sectaires s’inscrit au croisement de diverses disciplines telles que la médecine, la psychologie, la psychiatrie, l’anthropologie, l’histoire, ainsi que les sciences de l’éducation et de la formation. La richesse des publications et études sur cette thématique témoigne de son importance sociétale. En France, ni la Constitution ni la législation ne définissent explicitement les termes « secte » et « dérive sectaire », même si cette dernière expression est régulièrement utilisée dans le cadre réglementaire et institutionnel. Ainsi, un arsenal juridique existe pour lutter contre ces phénomènes, s’appuyant à la fois sur une jurisprudence et un droit français et européen. S’y ajoutent l’action des pouvoirs publics et celle d’associations dédiées, qui sensibilisent le public, accompagnent les victimes et leurs familles, et dénoncent les risques liés à l’emprise mentale exercée par des groupes sectaires. Ce dispositif agit autant en matière de prévention qu’en répression des infractions constatées. Le rapport parlementaire de Jacques Guyard (1995) ainsi que la loi About-Picard (2001)[2] ont à la fois mis en lumière l’urgence de traiter les dérives sectaires et contribué à structurer le cadre légal de la lutte contre les dérives sectaires. La loi n°2024-240 du 10 mai 2024 renforce celui-ci.
Le présent projet de recherche, soutenu par la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale) et la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), s’attache plus particulièrement à quantifier et comprendre l’impact de ces dérives sur les enfants en France[3]. Le choix de cet angle est lié à un double constat. Le premier est la spécificité et l’importance des risques sectaires pour les publics mineurs, comme ceci a été relevé par le rapport parlementaire de Georges Fenech et Phillipe Vuilque de 2006[4].Les enfants, particulièrement vulnérables à ces influences, sont davantage exposés dans des contextes d’isolement, comme l’instruction à domicile, les communautés fermées ou la marginalisation, surtout lorsque l’un des parents adhère à une organisation à caractère sectaire. En outre, cette vulnérabilité est accrue à l’adolescence, période charnière de quête identitaire et sociale. Or, cette exposition spécifique des mineurs au risque sectaire reste méconnue en termes de quantification et d’études académiques.
Une équipe de chercheurs est de ce fait mobilisée pour fournir des estimations fiables sur le nombre d’enfants concernés et pour orienter les politiques publiques en renforçant les dispositifs de prévention et de protection de l’enfance. Ce travail consiste d’abord à définir précisément le périmètre des dérives sectaires dont sont victimes les enfants, puis à inventorier et analyser les données disponibles auprès des organismes administratifs et associatifs concernés. Enfin, des estimations chiffrées seront proposées afin d’évaluer l’ampleur de la population des mineurs victimes du phénomène sectaire. Pour mener à bien cette étude, les chercheurs collaborent avec divers acteurs engagés dans la lutte contre les mouvements sectaires et la protection des mineurs. Ces partenariats permettront de collecter des données fiables auprès de la Miviludes, des services sociaux, des associations spécialisées, ainsi que des institutions judiciaires et éducatives.
[1] Miviludes, Rapport d’activité 2021.
[2] La loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 (dite loi About-Picard) vise à « renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ». Elle détermine les conditions dans lesquelles l’abus frauduleux de l’état de faiblesse d’une personne en situation de sujétion psychologique est caractérisé et réprimé. Ce texte a été codifié aux articles 223-15-2 à 223-15-4 du Code pénal.
[3] Le terme « enfant » désigne toute personne âgée de moins de 18 ans, conformément à la définition de la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide).
[4] Rapport n°3507, L’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, Assemblée nationale, 12 décembre 2006.
Titre du projet | Les enfants victimes de dérives sectaires : dénombrer et comprendre |
Coordonnateur du projet | Centre de recherches Éducation et Formation (Cref – Université Paris Nanterre) |
Partenariat de recherche (et financement) | La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) |
Equipe de recherche | Boukhalfa Aït Hocine est doctorant (équipe Efis, Cref/UPN). Ismaël Ferhat, professeur des université (équipe CETS, Cref/UPN) est spécialiste des questions éducatives en lien avec les questions religieuses et de laïcité. Chloé Riban, maîtresse de conférences (équipe Efis, Cref/UPN) est spécialiste des questions de transmission au sein de la famille et du lien enfant/famille/école. Gilles Séraphin, professeur des universités (équipe Efis, Cref/UPN) est spécialiste des questions religieuses (chrétiens), de la protection de l’enfance et des systèmes d’observation. |
Contact | gseraphin@parisnanterre.fr |